Si le sort de l'élection présidentielle ne se jouait pas dans ces
querelles absurdes, on pourrait bien s'amuser des jeux de rôles des 14
candidats potentiels qui se disputent déjà l'investiture du parti
socialiste.
L'instrumentalisation par Bertrand Delanoë du mot libéralisme est aussi éclairante, de ce point de vue, que cocasse.
Il s'agit bien sûr de faire parler de soi et de se démarquer avant le congrès par une petite provocation, dont l'"audace" ne fera pas trembler la France, ni même le PS, à part quelques attardés genre Mélenchon et Houel, farouches défenseurs de la lutte de classes. Ce qui fait peu, en somme.
Mais ces plaisanteries d'avant congrès démontrent que le PS, encore plus divisé et confus qu'en 2007, est prêt à perdre, pour la quatrième fois, l'élection majeure, la présidentielle.
Certains le suspectent même, parce que c'est un parti d'élus locaux, d'avoir pris son parti de la division du travail : à la droite le pouvoir d'Etat, à la gauche la gestion des collectivités territoriales.
J'espère que non. Mais le retour du combat des sous-chefs, qui laisse le PS et donc la gauche sans tête, est lié à la désastreuse conception des relations entre formations de gauche qui porte un nom : l'hégémonisme et un corollaire : la confusion et l'absence de crédibilité.
Le PS s'est donné une mission impossible : occuper tout seul l'éventail politique qui va de Bayrou à Besancenot. Tantôt il fait risette à la gauche " anti-capitaliste - qui n'en a cure - tantôt il joue la course à l'échalote béarnaise : "Plus au centre que moi, tu meurs". Quand Delanoë se dit libéral, c'est pour faire moderne et se placer dans la course interne. Rien de plus.
En 2007, on sentait bien que Ségolène était
contrainte de naviguer à vue, donnant tantôt des gages aux archaïques,
s'ouvrant tantôt aux modernes. Mais ces messages à usage interne,
destinés à donner à la gauche une cohésion qui ne pouvait exister - on
ne peut pas construire une telle cohésion en 4 mois - ont donné prise à
un doute sérieux, dans l'électorat qui fait l'élection parce qu'il est
exigeant en matière de crédibilité. Avec le résultat qu'on sait.
La gauche est diverse. La seule façon de la rendre crédible est de bâtir et de faire fonctionner des systèmes de régulation qui démontrent qu'elle est unie sur l'essentiel, mais capable de gérer ses propres divergences sans nuire à l'efficacité de son action.
Bâtir une fédération de la gauche - ou tout autre système à l'épreuve de l'action quotidienne pendant quelques années d'opposition - est la seule solution pour garder l'électorat de gauche tout en rassurant l'électorat du centre au second tour.
Cela veut
dire que le PS doit renoncer à sa volonté d'hégémonie, renoncer à
conclure des accords avec le Modem, sans avoir la même politesse envers
les radicaux de gauche, ancrés à gauche mais indépendants.
Après
avoir fait un spectaculaire virage par sa "déclaration de principes",
qui le positionne à peu près sur l'axe que nous défendons, radicaux de
gauche, depuis tant d'années, le PS doit poursuivre son aggiornamento.
Pas en se battant sur des mots tels que libéralisme, mais en proposant un vrai programme commun de la gauche et en construisant, comme nous le réclamons depuis des lustres, un système fédéral autour du PS, parti majeur de la gauche dont personne ne conteste la place centrale.
Il faut donc que le PS renonce à étouffer ses alliés naturels, les Verts, le PC et le PRG.
Y'a du boulot...