Ce matin, je m'envole pour Cracovie. Je vais enfin voir le célèbre plombier polonais (en polonais : "polski hydraulik") qui terrorise Laurent Fabius...
Après le fameux appel " Go West, young man ! " auquel a obéi ma jeunesse, soumettrai-je l'imaginaire de mes cinquante ans au non moins fameux " Drang nach Osten " ?
J'ai toujours voulu mieux connaître l'Est en général, la Pologne en particulier. La Pologne est le coeur de l'Europe, à la fois géographiquement et symboliquement, un coeur si souvent déchiré.
La Pologne est au coeur de l'Europe, trop souvent pour le pire...
A l'heure où les nuages noirs de l'Histoire s'amoncellent sur l'Europe de l'Est, j'ai hâte d'aller à la rencontre des gens, de parler, de découvrir le peuple polonais, de comprendre leur point de vue, leur vision de l'Europe, de la France...
Sous la houlette de Wladislas Rzepkowski, ancien maire de La Vacherie, issu de l'émigration polonaise vers la France du Nord, cette semaine de découverte, en compagnie d'autres élus du canton,ne pouvait mieux tomber.
Tout enfant, j'ai ressenti douloureusement ma première vision du drame polonais : je me souviens avoir été ému par l'apparition ridicule et pathétique de polonais émigrés... dans les romans de la comtesse de Ségur, née Rostopchine.
Une nation brassée comme nulle autre par les influences romaine, ottomane, scandinave, germanique, slave, russe, américaine... Une nation dont la souveraineté a été niée comme nulle autre en Europe, une nation cesse dépecée par les appétits et les manoeuvres des grandes puissances continentales.
Une nation qui a donné au monde Copernic, Chopin et... Jean Paul II. Mais aussi Lech Walesa et Solidarnosc, symbole du dégel du bloc soviétique avant même la chute du Mur de Berlin.
Une nation rayée de la carte des Etats entre 1717 et 1918, une nation démembrée de 1138 à 1350, une nation toujours abandonnée... alors que son peuple a été le moteur des révolutions patriotiques de 1830, 1848 et que les patriotes polonais ont toujours été manipulés par les grandes puissances, à commencer par l'Empire napoléonien.
Une nation où, plus qu'ailleurs, le 20ème siècle saigne...
L'explosion du conflit mondial en 1939 nait de la volonté commune de Staline et d'Hitler de se partager la Pologne d'un commun accord : le pacte germano-soviétique. Les enjeux de pouvoir dépassent certes la Pologne, mais c'est sur le sol polonais que la barbarie s'exprime sans retenue... Avant 1941, les Polonais servent de cobayes avant la mise en oeuvre de la solution finale, alors que les Soviétiques leur font subir les méthodes bien rêdées dans l'archipel du Goulag...
Auschwitz, Katyn, le soulèvement du ghetto de Varsovie, l'extermination des élites, l'extermination ethnique et, après la victoire des alliées, les déportations massives de populations en application des accords de Yalta...
On ne peut chiffrer l'horreur, mais en nombre de morts et en destructions matérielles, la Pologne est le pays qui a, de loin, le plus souffert du conflit mondial : 18% de la population de la Pologne disparait dans la tourmente... A comparer avec les 7,4% de l'Allemagne, les Alliés connaissant des pertes très inférieures.
Et aujourd'hui ?
A l'heure où la guerre frappe à la porte de l'Europe, en Géorgie, les Polonais, les Baltes ne veulent pas revivre l'interminable nuit, le cauchemar que leur imposa si longuement l'impérialisme russe.
La décision russe d'envahir la Géorgie est liée, entre autres raisons majeures, à l'accord donné par la Pologne au déploiement d'un réseau anti-missile américain sur le sol polonais.
Alors, qui protègera les Polonais ? Choisiront-ils comme suzerains les USA, l'OTAN ? Une Union Européenne qui, via le non français, l'image du plombier polonais, a su les humilier à nouveau ?
La réunion de mardi des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN permettra d'y voir plus clair.
Une fois de plus, la Pologne est au coeur de la tourmente.