Entre le refus du malheur et le refus de la fatalité, la frontière est mince, mais elle fonde la civilisation. Jamais une garde à vue n'abolira le malheur. Le faire croire est dangereux.
Absurde et cruelle, la mort d’un enfant est une souffrance indicible. Lorsqu’elle est causée par autrui, son absurdité peut devenir inacceptable pour la famille, tentée dès lors de trouver un bouc émissaire, pour substituer à une intolérable douleur l’anesthésie illusoire de la colère. On a vite fait alors de confondre vengeance et justice. La civilisation disparait au profit du talion.
C’est à la société qu’il appartient de tracer la limite, par le droit et, faut-il le dire, par la morale. L’éducation collective doit forger des citoyens capables d’admettre que le malheur existe, peut vous frapper et que l’absurde et l’accidentel, font partie, tragiquement, de la vie des hommes. Seule la force morale individuelle permet de faire face à l’absurde sans accuser autrui du malheur qu’il apporte.
En revanche, nous devons refuser collectivement toute fatalité, au nom d’un progrès toujours possible. Inlassablement, la société doit améliorer son fonctionnement pour chasser toujours plus loin la souffrance évitable. La mission de l’hôpital est de repousser la souffrance que cause la maladie et nous devons donner à l’hôpital les moyens, humains et matériel de progresser dans cette mission.
Or, la dépénalisation de l’erreur individuelle à l’hôpital est indispensable à la bonne vie de l’hôpital. Le personnel hospitalier a choisi un métier où les responsabilités sont immenses. Comment admettre que des femmes, des hommes dévoués et compétents et vivent sous l’épée de Damoclès d’une sanction pénale en cas d’erreur ?
La dépénalisation de l’erreur médicale et sa contrepartie ( la reconnaissance des droits du malade ) apportées par la loi Kouchner sont un grand progrès. Ne revenons pas là dessus pour un faits divers tragique, mais absurde.