Chaque jour apporte son lot de nouvelles, simplement horribles. La mort de centaines de clandestins au large de la Sicile, victimes de l'horreur économique, me touche singulièrement.
Peut-être parce que j'ai pris conscience de ce drame il y a bien longtemps et que je m'étonne de voir combien il touche peu les consciences.
Peut-être à cause de mon amour de la mer, lien immémorial entre les civilisations du monde, mais qui se transforme parfois en bourreau pour ceux que la faim exile.
Peut-être parce que, dans une moindre mesure, ce drame se joue quotidiennement non loin de chez nous, en France, à Calais par exemple.
Qui peut se rendre en Angleterre sans frissonner devant les murs de barbelés, munis de lames de rasoir, qui défigurent nos ports, naguère symboles de liberté et du commerce des hommes ?
Sur notre planète, jamais la liberté du touriste n'a été aussi vaste, jamais la circulation des hommes de bonne volonté n'a été aussi difficile.
Que notre compassion devienne action en faveur de ces hommes, de ces femmes.
Avant d'être des victimes, ils étaient, hélas, l'élite de leur peuple, plus dignes d'admiration que de pitié.
On ne dira jamais assez la volonté, le courage, l'ingéniosité nécessaire de ces candidats à l'exil, partis pour nourrir ceux qui restent au pays.
On ne dira jamais assez combien de tels hommes manqueront à leur pays d'origine.
On ne dira jamais assez à quel point l'Europe se prive en pourchassant cette élite issue du peuple. Je rêve de relancer l'Ile de Lumière, le cargo envoyé par Bernard Kouchner au secours des boat people du Vietnam...
Pour éveiller les consciences à la cause de ces misérables, il nous manque la plume d'Hugo, la caméra de Joris Ivens, le sens médiatique de l'abbé Pierre. Mais il y a toujours quelque chose à faire...